En Suisse, l'essor de nouvelles plateformes d'apprentissage en ligne, élaborées conjointement par des institutions universitaires telles que l'EPFL et des entreprises technologiques spécialisées dans la EdTech, comme LearnSquare, illustre la transformation du paysage de la formation professionnelle. Ces initiatives, fréquemment soutenues par des partenariats publics-privés (PPP), témoignent d'une volonté affirmée d'adapter l'enseignement aux impératifs d'un marché du travail en perpétuelle évolution. La question de savoir si ces PPP encouragent véritablement l'innovation éducative et contribuent à améliorer la qualité de la formation en Suisse est une préoccupation majeure des acteurs du secteur de la formation professionnelle.
Il explorera également comment ces PPP peuvent contribuer à l'amélioration de la formation professionnelle en Suisse.
Introduction : le paysage de l'innovation éducative en suisse et le rôle croissant des PPP
Le système éducatif suisse, reconnu mondialement pour son excellence et son orientation vers la pratique professionnelle, est confronté à des défis considérables. L'intégration des technologies émergentes, la nécessité impérieuse de développer les compétences numériques de l'ensemble de la population active, et la réduction des disparités en matière d'accès à une formation de qualité sont autant d'enjeux essentiels pour l'avenir. L'innovation éducative, qu'elle soit pédagogique, technologique ou organisationnelle, est indispensable pour relever ces défis et assurer la compétitivité de la Suisse sur le marché mondial.
Les partenariats public-privé (PPP) se présentent comme une approche prometteuse pour accélérer l'innovation au sein du secteur de la formation professionnelle en Suisse. Un PPP se définit comme un accord contractuel formalisé entre une entité publique, telle qu'un canton ou une haute école spécialisée, et une ou plusieurs entreprises privées, dans le but de concevoir, financer, construire, entretenir ou exploiter un service ou une infrastructure d'intérêt public. En Suisse, comme dans d'autres pays, le nombre de PPP dans le domaine de la formation professionnelle est en constante augmentation, ce qui témoigne d'une reconnaissance croissante de leur potentiel. L'investissement dans les PPP représente 1.2 milliards de francs suisses par année.
La question fondamentale que cet article se propose d'explorer est la suivante : les partenariats publics-privés (PPP) stimulent-ils de manière effective l'innovation éducative en Suisse, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle ? Si tel est le cas, dans quelle mesure et à quel prix ? Pour répondre à cette interrogation, nous allons tout d'abord examiner les avantages potentiels que les PPP peuvent apporter à l'innovation éducative, puis nous analyserons les défis et les risques qui leur sont associés, avant de présenter des études de cas concrets et de formuler des recommandations pour l'avenir de la formation professionnelle en Suisse.
Les avantages potentiels des PPP pour l'innovation éducative en suisse
Les PPP dans le domaine de la formation professionnelle offrent une multitude d'avantages potentiels. En conjuguant les ressources financières, l'expertise technique et le savoir-faire des secteurs public et privé, ils sont susceptibles de stimuler l'innovation, d'améliorer la qualité de l'enseignement et de mieux répondre aux besoins des apprenants et des employeurs.
Accès à l'expertise et aux ressources du secteur privé
Le secteur privé possède souvent une expertise pointue dans des domaines stratégiques tels que les technologies de l'information, la gestion des projets et le marketing. Les PPP permettent aux institutions publiques de formation professionnelle de bénéficier de ce savoir-faire, notamment pour le développement de plateformes d'apprentissage adaptatives, la mise en œuvre de programmes de formation novateurs et l'optimisation de la gestion des ressources pédagogiques. L'entreprise ABB par exemple, met à disposition des écoles professionnelles des équipements industriels de pointe.
Par exemple, des fondations privées, telles que la Fondation Jacobs, ont contribué au financement de nouveaux laboratoires d'apprentissage au sein d'écoles professionnelles à hauteur de 2,5 millions de francs suisses, permettant ainsi aux étudiants de manipuler du matériel à la pointe de la technologie. Un transfert de savoir-faire important est réalisé grâce à des conseillers techniques employés par les entreprises partenaires des écoles, assurant une formation professionnelle de haute qualité. Les fonds privés représentent 8% du budget des écoles professionnelles.
Agilité et réactivité face aux besoins changeants du marché du travail
Le marché du travail est en constante évolution, avec l'émergence de nouvelles professions et la transformation des métiers existants. Les écoles professionnelles et les hautes écoles spécialisées doivent s'adapter en permanence pour former les professionnels de demain. Les PPP peuvent faciliter cette adaptation en permettant la création de filières professionnelles en partenariat avec des branches industrielles spécifiques, ou le développement de formations continues axées sur l'acquisition de compétences numériques. Les cycles de formations sont revus tous les 3 ans afin de s'adapter au mieux aux besoins du marché.
La création de filières professionnelles en partenariat avec des entreprises comme Siemens et Roche est un atout important, attirant plus de 6 000 nouveaux étudiants chaque année. Les formations continues proposées sont particulièrement appréciées car elles offrent un tremplin direct vers le monde du travail. La reconnaissance et la valorisation des compétences sont des arguments qui séduisent de plus en plus les jeunes générations, conscientes de la nécessité de se former tout au long de leur vie professionnelle. Le salaire moyen après une formation continue est de 80'000 CHF par an.
Amélioration de l'efficacité et de la qualité des services éducatifs
L'introduction de méthodes pédagogiques innovantes et d'outils d'évaluation performants, tels que l'utilisation de l'intelligence artificielle pour personnaliser l'apprentissage, peut contribuer à améliorer l'efficacité et la qualité des services éducatifs dans le domaine de la formation professionnelle. Les PPP peuvent également permettre d'optimiser la gestion des ressources et des infrastructures éducatives, en rationalisant les processus et en réduisant les coûts. L'utilisation de plateformes d'apprentissage en ligne permet de réduire les coûts de fonctionnement de 15%.
- Mise en place de systèmes d'évaluation continue des compétences.
- Rationalisation des processus administratifs grâce à la digitalisation.
- Réduction des coûts de fonctionnement grâce à l'optimisation des ressources.
Développement de l'entrepreneuriat et de l'innovation sociale dans le secteur éducatif
Les PPP peuvent stimuler le développement de l'entrepreneuriat et de l'innovation sociale au sein du secteur de la formation professionnelle, en soutenant les startups EdTech et les projets éducatifs à impact social. Ils peuvent également favoriser la création d'un écosystème propice à l'émergence de nouvelles idées et de solutions innovantes pour améliorer la formation professionnelle. L'investissement dans de nouveaux incubateurs de startups au sein des universités et des hautes écoles spécialisées, pour un montant global de 3 millions de francs suisses, a permis la création de 15 nouvelles entreprises en 2023, générant ainsi 35 nouveaux emplois qualifiés dans le secteur de la formation professionnelle. Les startups EdTech ont levé 20 millions de fonds en 2023.
Les défis et les risques associés aux PPP dans l'éducation
Malgré les nombreux avantages potentiels qu'ils offrent, les PPP dans le domaine de la formation professionnelle présentent également des défis et des risques importants. Il est essentiel de les identifier et de les gérer avec prudence afin d'éviter des conséquences néfastes sur l'équité, la qualité et l'accessibilité de la formation professionnelle.
Risque de privatisation et de marchandisation de la formation
L'un des principaux écueils associés aux PPP est le risque de privatisation et de marchandisation de la formation professionnelle. La recherche du profit par les entreprises privées peut entrer en conflit avec l'intérêt général et compromettre l'équité et l'accès à une formation de qualité pour tous. Il est donc impératif de veiller à ce que les PPP ne conduisent pas à une diminution des services publics ou à une augmentation des coûts pour les étudiants et leurs familles. La formation professionnelle en Suisse est gratuite, mais les coûts indirects (logement, transport) peuvent représenter un frein pour les étudiants issus de milieux modestes.
Certaines écoles privées proposent des cursus de formation professionnelle à des prix qui peuvent dépasser 40 000 CHF par an, ce qui exclut de facto une partie importante de la population et crée une inégalité sociale en matière d'accès à la formation. Ce phénomène de privatisation de l'accès à la formation est un sujet de préoccupation pour les organisations syndicales et les associations étudiantes. Le coût moyen d'une formation professionnelle privée est de 25'000 CHF par année. Plus de 10'000 étudiants suivent une formation professionnelle privée chaque année.
- Augmentation des coûts de la formation pour les étudiants.
- Réduction potentielle de l'offre de formations publiques.
- Conflit potentiel entre intérêt général et logique de profit.
Questions de transparence et de redevabilité
La transparence et la redevabilité sont des éléments clés pour garantir l'intégrité et l'efficacité des PPP. Il est indispensable d'assurer la transparence des contrats et des processus de décision, et d'évaluer rigoureusement l'impact des PPP sur les résultats de la formation professionnelle. Le risque de conflits d'intérêts et de favoritisme doit également être pris en considération. Environ 20% des appels d'offres publics reçoivent une seule proposition, ce qui limite la concurrence et peut entraîner une augmentation des coûts. Il est parfois difficile d'évaluer objectivement le rapport qualité-prix des prestations proposées par les entreprises privées.
Complexité de la mise en œuvre et gestion des partenariats
La mise en œuvre et la gestion des PPP peuvent s'avérer complexes en raison du grand nombre d'acteurs impliqués, tels que les pouvoirs publics, les entreprises privées et les organisations de la société civile. Il est essentiel de définir clairement les rôles, les responsabilités et les objectifs de chaque partie prenante, et de mettre en place des mécanismes de coordination efficaces. Environ 10% des PPP échouent en raison d'une communication défaillante et d'une répartition des rôles imprécise. La complexité inhérente à la mise en place de ces projets constitue donc un facteur de risque non négligeable.
Impact potentiel sur la qualité de l'emploi et les conditions de travail des enseignants
L'automatisation croissante des tâches et la transformation des métiers de l'enseignement peuvent avoir des conséquences sur la qualité de l'emploi et les conditions de travail des enseignants dans le domaine de la formation professionnelle. Il est crucial d'accompagner la transition numérique et de former les enseignants aux nouvelles technologies, afin d'éviter la précarisation de l'emploi et la perte de motivation. Le nombre d'heures de formation continue a augmenté de 15% depuis l'introduction des nouvelles technologies dans les salles de classe, ce qui représente un défi pour certains enseignants. La surcharge de travail et le manque de reconnaissance sont des facteurs de stress importants pour les enseignants.
- Accompagner la transition numérique des enseignants.
- Proposer des formations adaptées aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes pédagogiques.
- Prévenir la précarisation de l'emploi et le burnout des enseignants.
Études de cas : exemples de PPP innovants en suisse et leur impact
Afin d'illustrer de manière concrète l'impact des PPP sur l'innovation éducative dans le domaine de la formation professionnelle en Suisse, nous allons examiner trois études de cas : un PPP qui a été couronné de succès, un PPP qui a rencontré des difficultés, et un PPP prometteur en cours de développement.
Étude de cas 1 : un PPP réussi
Le partenariat entre l'Haute École Arc et l'entreprise horlogère TAG Heuer pour la création d'un centre de formation dédié aux métiers de l'horlogerie de luxe est un exemple de PPP réussi. Ce centre de formation, équipé de machines de pointe et animé par des experts du secteur, permet de former des horlogers hautement qualifiés, répondant aux besoins spécifiques de l'industrie horlogère suisse. 85% des diplômés de ce centre de formation trouvent un emploi dans le secteur horloger dans les six mois suivant leur diplomation. Le taux de satisfaction des entreprises partenaires est de 92%.
Étude de cas 2 : un PPP qui a rencontré des difficultés
Le projet de numérisation de l'enseignement dans le canton de Vaud, mis en œuvre en partenariat avec une entreprise privée spécialisée dans les technologies éducatives, a rencontré des difficultés en raison d'un manque de planification et d'une communication insuffisante avec les enseignants. L'introduction massive de tablettes numériques dans les écoles n'a pas permis d'améliorer significativement les résultats scolaires des élèves, et a même entraîné une augmentation des inégalités entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux issus de milieux défavorisés. Le coût total du projet est estimé à 12 millions de francs suisses, et les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des attentes. Les enseignants se sont sentis délaissés et insuffisamment préparés à l'utilisation des tablettes en classe.
Étude de cas 3 : un PPP prometteur en devenir
Le projet pilote de réalité virtuelle pour l'apprentissage des techniques de soudure, mené en partenariat entre une école professionnelle et une entreprise spécialisée dans la réalité virtuelle, suscite de grandes attentes en matière d'innovation éducative. Ce projet, qui permet aux apprentis de s'exercer aux techniques de soudure dans un environnement virtuel immersif, pourrait révolutionner l'enseignement de ce métier et attirer de nouveaux talents vers ce secteur en pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Le budget alloué à ce projet est de 500 000 CHF, et il est prévu de le tester auprès de 200 apprentis. Si les résultats sont concluants, le projet sera étendu à d'autres écoles professionnelles en Suisse. Le taux d'erreur lors des premières soudures a diminué de 40% grâce à la réalité virtuelle.
Recommandations et perspectives d'avenir
Pour maximiser les avantages des PPP et minimiser les risques potentiels, il est essentiel d'adopter une approche stratégique et responsable. Voici quelques recommandations à l'intention des acteurs publics et privés impliqués dans la formation professionnelle en Suisse.
Recommandations aux acteurs publics
Les pouvoirs publics doivent définir une stratégie claire et ambitieuse pour l'innovation éducative dans le domaine de la formation professionnelle, en mettant l'accent sur l'équité, la qualité et l'accessibilité de l'enseignement. Il est important de mettre en place un cadre juridique et réglementaire adapté aux PPP, garantissant la transparence, la redevabilité et la protection de l'intérêt général. Un investissement massif dans la formation continue des enseignants est indispensable pour leur permettre d'utiliser efficacement les nouvelles technologies et les nouvelles méthodes pédagogiques. Le budget alloué à la formation continue des enseignants devrait augmenter de 10% dans les prochaines années.
- Définir une stratégie claire et cohérente pour l'innovation éducative dans la formation professionnelle.
- Mettre en place un cadre juridique et réglementaire transparent et équitable pour les PPP.
- Investir massivement dans la formation continue des enseignants et des formateurs professionnels.
Recommandations aux acteurs privés
Les entreprises privées doivent adopter une approche responsable et éthique des PPP, en privilégiant les projets qui répondent aux besoins réels des étudiants et des entreprises, et qui contribuent à améliorer la qualité de la formation professionnelle. Il est important de favoriser la collaboration et le partage des connaissances entre les différents partenaires, et de s'engager activement dans la formation et le développement des compétences des professionnels de la formation. La transparence et l'ouverture sont des valeurs essentielles pour construire des PPP durables et efficaces. 75% des entreprises sont prêtes à investir dans la formation professionnelle.
Perspectives d'avenir
L'avenir de l'innovation éducative dans le domaine de la formation professionnelle sera marqué par le rôle croissant des technologies numériques, l'importance de l'apprentissage tout au long de la vie et l'émergence de nouveaux modèles de PPP plus collaboratifs et plus axés sur l'impact social et environnemental. Il est nécessaire d'adopter une approche globale et intégrée de l'innovation éducative, en tenant compte de l'ensemble des dimensions de l'apprentissage et du développement professionnel de l'individu. La formation professionnelle doit s'adapter aux défis de la transition écologique et de l'économie circulaire. Actuellement, 15% des entreprises technologiques collaborent activement avec les écoles professionnelles en Suisse, et ce chiffre devrait augmenter de manière significative dans les prochaines années, porté par la transformation numérique de l'économie et la nécessité de former des professionnels qualifiés dans les métiers d'avenir.
- Rôle croissant de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée dans l'apprentissage des métiers.
- Importance de la formation continue pour s'adapter aux évolutions technologiques et aux nouveaux besoins du marché du travail.
- Développement de PPP axés sur l'impact social et environnemental de la formation professionnelle.
Les partenariats publics-privés ont le potentiel de jouer un rôle déterminant dans le dynamisme de l'innovation éducative en Suisse, en particulier dans le domaine crucial de la formation professionnelle. Ces collaborations offrent des opportunités uniques pour améliorer la qualité de l'enseignement, favoriser l'émergence de nouvelles filières de formation adaptées aux besoins des entreprises, et accompagner les acteurs du secteur dans leur adaptation aux évolutions rapides du marché du travail. Cependant, il est impératif de rester vigilant et de veiller à ce que ces partenariats soient mis en œuvre de manière responsable, transparente et collaborative, en plaçant l'intérêt des apprenants et la qualité de la formation au cœur des préoccupations. Les acteurs publics et privés doivent travailler de concert pour construire un système de formation professionnelle performant, inclusif et adapté aux défis du 21e siècle.